ECHELLE DE BORTLE
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Excellent ? Classique ? Urbain ?

Utilisez cette échelle pour évaluer la qualité de votre ciel.
De John E. Bortle (Traduit de Sky & Telescope, Février 2001, page 126)

A quel point votre ciel est-il sombre ? Une réponse précise à cette question est utile pour comparer des sites d’observations et, plus important, pour déterminer si un emplacement est assez noir pour pousser vos yeux, votre télescope, ou votre appareil photo vers leurs limites théoriques. Pour cela, vous avez besoin de critères précis pour juger des conditions du ciel lorsque vous souhaitez documenter des observations exceptionnelles, telles que l’extrêmement longue queue d’une comète, une aurore faible, ou des détails subtils dans les galaxies.

Sur le net et dans les newsgroups je vois beaucoup de messages de débutants (et quelquefois d’observateurs plus expérimentés) qui demandent comment évaluer la qualité de leurs cieux. Malheureusement, la plupart des astronomes d'aujourd'hui n’ont jamais observé sous un ciel vraiment sombre : ils manquent donc d'un système de référence pour mesurer les conditions locales. Beaucoup d’observations font référence à des emplacements "très sombres", mais à la lecture des descriptions, on conclue que le ciel devait être seulement " modérément sombre ". La plupart des amateurs ne peut pas aujourd’hui réussir à trouver un emplacement vraiment sombre sans avoir parcouru une certaine distance. Aussi, dès qu’ils trouvent un site en milieu semi-rural où brillent des étoiles de magnitude 6.0 à 6.3 qu’ils voient à l’œil nu, ils croient que c’est le Nirvana !

Il y a une trentaine d’années on pouvait trouver des cieux vraiment sombres à moins d’une heure de route des villes. Aujourd'hui vous avez souvent besoin de parcourir 200 km voire plus. Au cours de ma propre carrière d’observateur j'ai été le témoin de l'ampleur sans cesse croissante avec laquelle la pollution lumineuse, d’abord légère, a souillé les cieux. Dans un passé lointain, je peux témoigner de l’existence de cieux presque primitifs dans des parties du nord-est des Etats-Unis, aujourd’hui fortement urbanisées. De nos jours, ce n'est plus possible.

La magnitude limite de l'œil nu n'est pas suffisante

Les astronomes amateurs jugent habituellement leurs cieux en notant la magnitude de l'étoile la plus faible visible à l'œil nu. Cependant, ce critère est relativement pauvre. Il dépend trop de l’acuité visuelle de la personne (finesse de la vue), ainsi que du temps et de l'effort consacrés pour voir les plus faibles étoiles possibles. Une personne pourra voir jusqu’à une magnitude de 5.5 et une autre jusqu’à une magnitude de 6.3. De plus, les observateurs du ciel profond ont besoin d'accéder à la visibilité des objets stellaires et non stellaires. Une pollution lumineuse, même légère, dégrade les objets diffus tels que les comètes, les nébuleuses, et les galaxies, beaucoup plus que les étoiles.

Afin d’aider les observateurs à juger de la vraie obscurité d’un site, j'ai créé une échelle à neuf niveaux. Elle est basée sur une expérience de presque 50 années d'observations. J'espère qu'elle sera utile aux observateurs.

Evaluer votre ciel

Niveau 1 : Ciel très sombre.

La lumière zodiacale et la bande zodiacale sont entièrement visibles – la lumière zodiacale est visible jusqu’à une hauteur saisissante, et la bande zodiacale couvre entièrement le ciel. Même en vision directe, la galaxie M33 est visible sans difficulté à l'œil nu. Les régions du Scorpion et du Sagittaire dévoilent leurs richesses. À l'œil nu, la magnitude limite avoisine 7.6 à 8.0 (avec effort). La présence de Jupiter ou Vénus dans le ciel paraît même dégrader l'adaptation de l’œil à l’obscurité. Une nébulosité, naturellement présente jusqu'à une hauteur de 15° au-dessus de l'horizon, est perceptible. Avec un télescope de 320 mm de diamètre, les étoiles de magnitude 17.5 peuvent être détectées (avec effort), et un télescope de 500 mm de diamètre utilisé avec un grossissement moyen atteint la 19ème magnitude. Si vous observez depuis un champ entouré d’arbres, votre télescope, les amis qui vous accompagnent, et votre voiture sont presque totalement invisibles. Ca, c’est le Nirvana de l’observateur !

Niveau 2 : Cielvraiment sombre.

Une nébulosité peut apparaître faiblement sur l’horizon. M33 est visible en vision directe plutôt facilement. L'été, la voie lactée apparaît très structurée à l'œil nu et, aux jumelles, ses parties les plus lumineuses apparaissent telles des rivières de diamants traversant le ciel de part en part. La lumière zodiacale est encore assez claire pour laisser apparaître de faibles ombres juste avant l’aube et après le crépuscule, et sa couleur jaunâtre se distingue de la couleur blanc bleuté de la voie lactée. Tout nuage présent dans le ciel est visible sous la forme de trous sombres ou de voiles. Vous apercevez vaguement votre télescope et les alentours, sauf lorsque le ciel est en contre-champ. De nombreux amas globulaires de Messier sont distincts à l’œil nu. La magnitude limite de votre œil est aussi faible que 7.1 à 7.5, alors qu'avec un télescope de 320 mm de diamètre vous atteignez une magnitude de 16 ou 17.

Niveau 3 : Ciel rural.

Quelques indications de pollution lumineuse sont évidentes le long de l'horizon. Les nuages peuvent paraître faiblement éclairés dans les parties les plus claires du ciel près l'horizon mais sont sombres au-dessus. La voie lactée paraît encore complexe, et des amas globulaires tels que M4, M5, M15, et M22 sont distincts à l’œil nu. M33 est facile à voir en vision décalée. La lumière zodiacale est frappante au printemps et en automne (quand elle s’étend à 60° au-dessus de l'horizon après le crépuscule ou avant l’aube) et sa couleur apparaît au moins faiblement. Votre télescope est vaguement apparent à une distance de 7 ou 8 mètres. La magnitude limite de votre œil est de 6.6 à 7.0, et un télescope de 320 mm de diamètre atteint la 16ème magnitude.

Niveau 4 : Ciel rural proche des zones suburbaines.

La lumière est assez évidente et des dômes de pollution apparaissent au-dessus des centres urbains dans plusieurs directions. La lumière zodiacale est clairement évidente mais ne s’étend pas jusqu’au zénith (voire à peine à mi-chemin) à la fin du crépuscule ou avant l'aube. La voie lactée bien au-dessus de l'horizon est encore impressionnante mais sa visibilité est dégradée, exceptée dans les parties les plus complexes. M33 est un objet difficile même en vision décalée : il devient détectable seulement lorsqu’il atteint une hauteur de plus de 50° au-dessus de l'horizon. Les nuages dans la direction des sources de pollution lumineuse sont légèrement éclairés mais le ciel est encore sombre au zénith. Vous pouvez distinguer votre télescope à une bonne distance. Votre œil voit jusqu’à une magnitude de 6.1 à 6.5, et un télescope de 320 mm de diamètre, avec un grossissement modéré, révèle des étoiles de la magnitude 15.5.

Niveau 5 : Ciel suburbain.

Une vague lumière zodiacale est observable les meilleurs nuits du printemps et de l'automne. La voie lactée est très faible voire invisible près de l'horizon et apparaît plutôt dégradée au-dessus. Les sources lumineuses sont nettement visibles dans la plupart ou toutes les directions. Toute ou partie du ciel, les nuages sont tout à fait perceptiblement et apparaissent plus clairs que le ciel lui-même. L’œil nu voit jusqu'à une magnitude limite de 5.6 à 6.0 environ, et un télescope de 320 mm de diamètre permet d'accéder à des objets de magnitude 14.5 à 15.

Niveau 6 : Ciel suburbain clair.

La lumière zodiacale n’est pas visible, même les meilleures nuits. La voie lactée n’est visible qu’au zénith. Le ciel à une hauteur de moins de 35° luit d’un blanc grisâtre. Les nuages partout dans le ciel paraissent assez clair. Vous n'avez aucun problème pour voir vos oculaires et les accessoires de votre télescope présents sur votre table d’observation. M33 est impossible à voir sans jumelles, et M31 apparaît modérément à l’œil nu. La magnitude limite de l’œil nu est approximativement de 5.5, et un télescope de 320 mm de diamètre avec un grossissement moyen montre des étoiles de magnitude 14.0 à 14.5.

Niveau 7 : Suburbain proche des zones urbaines.

Le ciel a une teinte blanc grisâtre. Les sources lumineuses fortes sont évidentes dans toutes les directions du ciel. La voie lactée est totalement invisible ou presque. M44 ou M31 peuvent être encore vus à l'œil nu mais le plus souvent avec difficultés. Les nuages sont brillants. Même dans un télescope de dimension moyenne, les objets de Messier les plus brillants ne sont que de pâles fantômes. L'œil nu a une limite d’une magnitude de 5.0 (avec effort), et un télescope de 320 mm de diamètre arrive à peine à la 14ème magnitude.

Niveau 8 : Ciel de ville.

Le ciel luit d’une couleur blanchâtre voire orangée, et vous pouvez lire les gros titres de votre journal préféré sans difficultés. M31 et M44 sont à peine perceptibles, même pour un observateur expérimenté pendant les bonnes nuits, et seuls les objets Messier les plus brillants sont observables avec un télescope de dimension moyenne. Quelques-unes des étoiles principales des constellations les plus familières sont difficiles à voir ou sont tout simplement invisibles. L'œil nu perçoit au mieux des étoiles jusqu'à la magnitude 4.5, si vous savez exactemement où regarder, et la limite stellaire pour un télescope de 320 mm de diamètre est

Niveau 9 : Ciel des centres urbains.

Le ciel entier est très lumineux, même au zénith. Beaucoup d’étoiles brillantes de nos constellations les plus familières sont invisibles, et les faibles constellations telles que le Cancer et les Poissons sont totalement invisibles. À part peut-être les Pléiades, aucun objet Messier n'est visible à l'œil nu. Les seuls objets célestes procurant un vrai plaisir au télescope sont la Lune, les planètes, et quelques amas globulaires parmi les plus clairs (si vous pouvez les repérer). L’œil nu a une magnitude limite de 4.0 ou moins.

John E. Bortle

On peut mesurer la qualité du ciel grâce à un appareil appelé Sky Quality Meter.